Leçon d’histoire, par Nicolas BERGHE
Digby Martland a de la chance. Il a déjà couru au Mans en 68 sur une Chevron, son experience des sport protos se limite à ces mêmes Chevron, aux cylindrées variables et raisonnables. Il est chanceux car John Woolfe, un industriel du textile anglais, lui a demandé d’être son équipier pour le Mans. Woolfe vient d’acquérir la première 917 « client ». Personne d’autre au monde n’en possède une autre pour l’instant. La 917 est la super machine des années 70, 950 kilos et un 12 cylindres de 4.5l.
Digby Martland a d’ autant plus de chance d’être intelligent ; ce qui l’amènera à prendre une sage et humble décision. Il a procédé aux essais de la 917-005 ce vendredi 13 juin 1969. La 917 n’en est qu’à ses balbutiements , elle est rétive,brutale et même très déséquilibrée aérodynamiquement à haute vitesse. Les pilotes d’usine ne se pressent pas encore pour la conduire. Martland a demandé à faire quelques tours, réservoir plein, chargé des 120 litres d’essence. Elle se trouve donc en configuration « départ ». Il réalise des temps correct mais il se fait surtout très peur en sortant de la piste à haute vitesse, heureusement sans gravité. Il rentre au stand et laisse le volant à John Woolfe. Celui-ci part découvrir à son tour sa 917. Il effectue seulement 6 tours avant de faire un surrégime et de détruire son moteur. La boite de vitesses est très particulière sur la 917, et autorise facilement une mauvaise sélection de rapport. Même les plus grands s’y laisseront prendre. D’ailleurs les abandons des 917 seront souvent la conséquence de surrégimes. Digby Martland a eu le temps de réfléchir lorsqu’il va voir John Woolfe le vendredi soir pour lui annoncer sa décision. Il renonce à sa participation aux 24 heures. John Woolfe est furieux mais il n’arrive pas a raisonner son équiper. Pour Martland sa décision est murement réflechie. Il se sent incapable de maitriser cette 917 et considère, à juste titre, qu’il n’a pas l’expérience pour la piloter. Il a eu peur, il a peur . Il ne reste que quelques heures à Johne Woolfe pour trouver un équipier. Il se tourne vers Porsche, à qui il a payé à prix d’or cette 917, pour trouver une solution. C’est Herbert Linge , pilote d’essai de l’usine depuis l’époque des 550, qui sera son équipier. Chez Porsche, on demande avec insistance à Woolfe de laisser le volant à Linge lors du premier et délicat relais. Les voitures y roulent en peloton pendant plusieurs tours, elles sont lourdes et les pneus sont froids. John Woolfe se vexe et décide qu’il prendra le départ avec sa 917. Le départ est donné, Woolfe traverse la piste en courant, ouvre la porte , saute dans l’habitacle et démarre moyennement bien. Comme beaucoup de pilotes il n’attache pas sa ceinture pour gagner du temps. Mais il profite de la puissance de sa Porsche dans les Hunaudières et avant Arnage pour se retrouver à une honorable douzième place. En abordant Maison Blanche il en perd le contrôle et percute le talus. La 917 rebondit et se coupe en deux en explosant au milieu de la piste. Chris Amon sur Ferrari n’a d’autre choix que de percuter une partie de la Porsche et de traverser le brasier. Il en est quitte pour la peur de sa vie et abandonne. Woolfe sera le seul pilote à se tuer au volant d’une 917 réputée pourtant si dangereuse. Le second accident grave d’une 917, la 013, surviendra au moment du tournage du film «Le Mans ». David Piper perdra , lui aussi, à Maison Blanche le contrôle de son bolide. Il y laissera une jambe. Sa 917 sera, elle, reconstruite et Piper la pilote encore lors de courses historiques, sans faire « semblant »….